Simba Le Fonkicker : « Pour sortir du lot, il faut être original »

Présent depuis longtemps sur la scène hip-hop rennaise, Simba Le Fonkicker a discuté avec nous pour parler de ses projets actuels et de rap en général.


Peux-tu déjà nous présenter ton E.P avec Belra de L’Asile ?

Alors le projet s’appelle L’Asile Large, parce que Belra fait partie du groupe « L’Asile » et moi je fais partie du groupe « Panel Large » avec « Doc Brrown », donc on a fait une petite fusion des deux entités. C’est un 5 titres, Boom-Bap à fond. Belra déjà, c’est quelqu’un que j’apprécie humainement et artistiquement. Ce maxi, il a quand même deux ans déjà, on avait entamé quelques morceaux, on s’est dit pourquoi ne pas les sortir, et à titre perso, pour moi, ça bute. On a fait mixer ça par Koolkal, c’est en téléchargement sur toutes les plateformes, ça coûte 5€, c’est pas cher payé, et c’est cool quoi.

Et vous n’allez pas faire de dates du tout ?

Alors si, on va faire des dates, mais on va profiter des concerts de mon projet solo pour lâcher quelques morceaux de l’Asile Large. Mais en tant que L’Asile Large même, pas vraiment.

Tu penses quoi des autres artistes rennais du milieu, comme Safirius avec son nouveau projet Oliver Saf ?

Alors Safirius, Casta… c’est la famille, les anciens, donc bien sûr que je pense que du bien d’eux. Après je ne te cache pas que la nouvelle école de rappeurs rennais je ne connais pas trop. Sur mon album qui arrive, j’ai un gars qui s’appelle Dadinio qui fait partie du B2S Clan, et il m’a fait une prod un peu new style. Après il y’a BA.LU.SK, Enerku, Rekta et tout ça mais ce sont déjà des rappeurs confirmés ; RETA pareil, j’aime bien son délire ! Il y’en a d’autres, Rennes a toujours été un vivier en terme d’activiste.

Et là tu vas tourner en Bretagne surtout ?

La Bretagne, honnêtement, je connais par cœur. On ne dirait pas comme ça mais je vais bientôt avoir 43 ans, j’ai fait des concerts un peu partout déjà. Ce qui m’intéresse c’est d’aller voir ailleurs que la France, mais pour ça, il faut vraiment préparer le truc en amont.

T’es tout seul pour trouver des dates ?

Non, je vais passer par des tourneurs. Mon prochain album Transmissions Sauvages, sortira sous mon label « Fonkick Muzic ». Par contre je passe par une boîte parisienne au niveau de la communication et de la distribution. A sa sortie, il y aura déjà deux trois clips de prêts pour la promo de l’album, et via l’impact que ça aura, j’essaierai de trouver des tourneurs.

C’est le plus gros truc que t’aies préparé jusqu’ici ?

Honnêtement, ouais? Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui je suis père et que je ne réfléchis pas de la même façon. Ça va aussi amener d’autres projets que j’ai en tête, mais qui méritent d’avoir un bon support, et pour ça, faut que mon album marche. Et pour ça faut mettre les moyens.

T’es tombé dans le rap comment d’ailleurs ?

En fait, en 1984, on remonte une peu dans le temps – « back in the days » – , il y avait une émission sur TF1 qui s’appelait « Hip-Hop », présentée par Sydney, mais c’était vraiment basé sur la danse, parce que moi j’ai commencé en tant que danseur. Donc tous les dimanches après-midi avec mes frangins on était devant la télévision, et il y avait un moment dans l’émission, « La leçon », où ils t’apprenaient un pas de danse. A la base, moi, je suis des Côtes d’Armor, de Dinan. À Dinan, il y avait un groupe de rap qui s’appelait « Rap.as Production » dans les années 80. Moi et mes frangins on était danseurs dans ce crew. En 1990, Sydney a organisé un tremplin dans toutes les grandes villes de France. Nous on a fait le tremplin à Rennes en 1989.

Quand on est arrivé ici, il y’ avait personne, juste un MC, c’était « Nomad Tom ». Enfin bref, on a gagné le tremplin à Rennes, et ensuite on a terminé deuxième à Paris en 1990 pour la finale.

Et devine qui était le DJ de Sydney à l’époque ! Tu vas halluciner hein. (« J’sais pas »). Ben c’était David Guetta ! Il a commencé dans le rap lui tu vois. C’est à la fin des années 80 que j’ai commencé à taper mes premiers textes. Quand notre groupe s’est séparé (parce qu’il n’a pas duré longtemps), j’ai monté avec un gars de Dinan « Mystica Teatcha », un des premiers groupes qui a « explosé » à Rennes, à l’époque des « T5A ». Mon premier album « Au cœur du sanctuaire » est sorti en 1996 avec ce groupe là. Mon premier solo est sorti en 1999, c’était « Première Emission ».

Tu penses quoi de la nouvelle scène ? Depuis 2010 ça explose pas mal en France.

J’étais vraiment en retrait par rapport à ça, moi je suis un gars de la old-school, de la « dinosaure-school » même tu vois ! J’ai grandi avec des codes Hip-hop, avec des Pete Rock, Dj Premier tout ça. Donc j’ai vraiment mis du temps à me mettre au new-style. Parce qu’à l’époque, les Kaaris tout ça, c’était vraiment ce qu’on dénonçait. Après tu rentres dans le moule, tu finis par t’y habituer. J’ai absorbé tous ces trucs là pour les mettre à ma sauce. Et je pense que quelles que soient les époques, pour sortir du lot, il faut être original, et pas être une copie d’une copie. C’est d’ailleurs ce que je reproche aujourd’hui un peu au rap : trop de pâles copies.

Après je ne dis pas que ce que je fais c’est mieux, mais c’est différent, après t’aimes ou t’aimes pas.

Il y a aussi des nouveaux festivals hip-hop qui voient le jour, je pense au Scred Festival mi-janvier, au Demi-Festival mi-août, et c’est des événements qui sont complets assez vite, ça veut dire qu’il y a de la demande…

Ouais bien sûr, et c’est bien, parce que depuis 5 ans, il y a à peu près 300 festivals qui ont ou vont sauter en France, on a fermé le robinet des subventions culturelles !

Mais ce qui est dingue c’est que Demi-Portion, il a un peu organisé ça à l’arrache quatre mois avant, et les places sont parties en sept minutes, c’était bien ficelé son truc.

Ouais grave, mais en même temps son premier festival, il y avait de la tête d’affiche.

Après il est dans le jeu depuis longtemps Rachid…

Ouais mais il y a « être dans le game » et organiser. C’est deux choses différentes. Il a dû avoir une bonne équipe derrière, des subventions de ouf aussi, parce que il faut les payer les artistes, sans parler de l’hôtel, du défraiement.

T’as fait une vidéo avec K-Oni, Pepso Stavinsky, Lautrec, Géabé, et Belra non ?

Alors ça, ça a été un des premiers morceau que j’ai fait avec Belra. On s’est retrouvé à Paris chez Belra, on a enregistré le morceau tout ça, et c’est de là qu’est partie l’idée de faire un projet ensemble.


Et Pespso, tu kiffes l’univers qu’il développe avec Rezinsky ?

Ouais mais c’est ça qui doit être intéressant, c’est qu’on est pas dans une question de goût mais dans un univers. Et je suis persuadé que tu perdures dans le temps seulement en étant toi-même. Les gens qui explosent parce qu’ils sont dans une mode, ils ne restent pas dans le temps.

Tu vois PNL par exemple, il y a un truc non ?

Ouais ils ont leur truc, après je ne considère pas ça comme du pera. Ils sont dans la défonce un peu, par contre il y’a un truc que je respecte, c’est qu’ils ne sont pas dans l’appel à la violence. Ils sont assez « peace » dans l’idée, après ils ont leur délire à eux. Dans le fond, ils ne me dérangent pas. Indépendant ne veut pas dire condamné à rester dans l’ombre. C’est juste une question d’organisation et d’argent. Après, l’argent, tu peux le trouver partout. Moi il a fallu que je rencontre par hasard une personne qui s’y connaît en terme de subventions pour trouver de la thune et comprendre comment ça fonctionne. Personne ne démarche La SACEM, si tu ne vas pas chercher l’argent de tes morceaux, il ira à d’autres artistes.

Tu penses quoi de l’éclosion d’une boîte comme le 88 ?

Ouais moi j’ai joué deux fois au 88, c’est assez cool. Il y a eu le gros festival Dooinit. Si tu commences à me parler de festochs, ça, c’est vraiment ma génération. Le Dooinit ça me parle direct. Les gars de l’orga c’est des mecs qui ont une vraie culture hip-hop. Leur réseau est parti de là, et c’est vraiment un truc pour les puristes, c’est pour ça que j’adore.

J’imagine que tu lis beaucoup non ?

Ouais, enfin j’ai lu beaucoup, mais je lis beaucoup de littérature africaine en ce moment. Je ne suis pas quelqu’un qui est vraiment dans la littérature parce que ce que je lis c’est plus Xavier Deversache, « Les Dossiers noirs », le traitement de l’or en Afrique, la politique.. C’est ça qui m’intéresse plus que des romans.

T’as quoi comme origines toi à la base ?

Moi je suis antillais, donc racines africaines quand même, vu que l’histoire des Antilles est bien liée à l’Afrique. Mon père était militaire, donc je suis allé aux Antilles, Tahiti, et à 9 ans je suis arrivé à Dinan. Je suis du grand ouest. C’est là où tout se passe dans ma vie, entre Rennes et Dinan.

Un conseil à donner en rap peut-être ?

Alors en parlant de nouvelle école, j’ai bien aimé DOSSEH, quelque chose de très « noir », noir couleur de peau. Kery James aussi, « Musique Nègre » j’ai adoré. La Rumeur, Casey, c’est des groupes qui méritent d’être plus entendus aussi. Ils ont un discours réfléchi sur l’éducation. Mais quand t’es trop politisé aujourd’hui, on ne te met pas en lumière. La société elle change et l’instrumentalisation du rap (qui est la musique la plus vendue en France) sert à changer les valeurs. Quand t’es jeune, tu recherches quelque chose à travers la musique.

Un p’tit mot pour Le P’tit Rennais ?

Donc voilà, mon album arrive, Transmissions Sauvages, et c’est un album que j’ai mis 3 ans à faire. À côté de ça, j’ai un taff et j’ai donc des morceaux assez vieux, je me suis pris la tête sur le concept de l’album, de le faire évoluer. À 43 ans, je sais que cet album va être ultra jugé. Je sais que je suis attendu au tournant et je fais de la musique un peu pour ça.

Written By: Le P'tit Rennais

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