Un étudiant de l’Université Rennes II au coeur du tremblement de terre mexicain

Des gens en panique, des nuages de fumée et le bruit assourdissant des hélicoptères au milieu de plusieurs dizaines de bâtiments détruits : voici comment les Mexicains ont célébré, le 19 septembre 2017 dernier, le 32ème anniversaire du tremblement de terre le plus meurtrier de leur histoire qui avait fait 10 000 morts et 30 000 blessés. Trente ans jour pour jour après cet événement, et à peine 12 jours après le dernier séisme ressenti, le pays a de nouveau connu une catastrophe naturelle de grande envergure.


Le pays se situe au point de rencontre de cinq plaques tectoniques, ce qui explique la forte activité sismique dans la région. Durant les cent dernières années, 12 tremblements de terre de magnitude supérieure à 6,7 sur l’échelle de Richter ont été répertorié, dont 7 depuis 2011. Le Mexique se place donc aisément dans les 10 pays les plus touchés par les catastrophes naturelles de ce type (avec le Japon, la Turquie, le Chili ou encore l’Iran).

De nombreux bâtiments ne respectent pas les normes concernant la résistance aux risques sismiques pour des raisons économiques, ce qui explique en partie pourquoi un tremblement de terre d’ampleur égale fait plus de victimes ici que dans un pays préparé et à la pointe dans le domaine de l’architecture anti-sismique comme le Japon. Le 8 septembre dernier, nombreux sont les Mexicains qui ont cru vivre une nouvelle fois la catastrophe de 1987. Le séisme de magnitude 8,4 survenu la nuit, à 23h49 (4h49 GMT), a fait resurgir de lointains souvenirs et a suscité une grande appréhension chez les plus de trente ans. A l’exemple de cette femme d’une cinquantaine d’années avec qui j’étais dans la rue à attendre la fin du séisme, à genoux, en pyjama et en larmes, priant Dieu pour qu’il épargne sa famille cette fois-ci. Selon Enrique Peña Nieto, le président des États-Unis du Mexique, plus de 50 millions des Mexicains sur les 120 que compte le pays ont ressenti la secousse alors que l’épicentre de ce dernier se trouve à 69,7 kilomètres de profondeur et dans l’océan Pacifique, à une centaine de kilomètres de la région de Chiapas au sud du pays.

L’inquiétude s’est ensuite renforcée à la vue des dégâts subis par les habitations et les infrastructures en général et l’annonce de l’arrivée des ouragans qui ont frappé la région caribéenne au même moment. Une alerte tsunami avait été décrétée dans la région de Oaxaca où plusieurs milliers d’habitants ont dû évacuer au plus vite leur domicile. Mais ce séisme n’a pas été celui qui a eu les conséquences les plus graves dans le pays au mois de septembre. A peine douze jours plus tard, le Mexique a été frappé une nouvelle fois par un séisme, certes de moindre magnitude (7,1 contre 8,4) mais qui a provoqué des dégâts bien plus considérables. L’épicentre se trouvait plus près de la surface (à 51 kilomètres de profondeur) et dans la région centrale du pays, à la frontière entre l’État de Puebla et celui de Morelos. On dénombre 342 morts, parmi lesquels une trentaine d’élèves d’une école primaire dont l’école s’est effondrée, 43 disparus et plus de 6 800 blessés. Avec ce lourd bilan humain, il faut également ajouter le très important dommage matériel subi.

Environ 11 000 bâtiments ont été touchés parmi lesquels bon nombre se sont effondrés. 1 500 de plus devront être détruits prochainement. L’aéroport international de Mexico Ciudad a dû être temporairement fermé et l’ensemble des cours des quatre régions touchées (Puebla, Morelos, Guerrero et Mexico) ont été suspendus jusqu’au 2 octobre. Le volcan Popocatepetl, situé à proximité de Puebla, la ville au sein de laquelle j’étudie, est entré en éruption. Le matin même du 9 septembre, à l’occasion de la commémoration du séisme de 1987, un exercice d’évacuation était organisé à travers tout le pays. Deux heures plus tard, à 13h14 heure locale (18h14 GMT), l’évacuation n’était plus pour s’entraîner mais bien pour se mettre en sûreté. Le tremblement de terre a donné lieu à de véritables scènes de panique. Au moment du séisme, je rentrais à pied de l’université. Sur mon chemin se trouve une école primaire.

Autour de l’établissement, les parents d’élèves se bousculaient pour récupérer leurs enfants regroupés au milieu de la cour, laissant leur véhicule tourner au milieu de la rue et n’hésitant pas à se marcher dessus pour y parvenir. Impressionnant ! Au même moment, Denis, un autre étudiant français avec qui je suis en colocation, étais en ligne via Skype avec sa mère lorsque la terre a tremblé. Les séquelles laissées par le premier séisme lui ont fait tout lâcher pour courir se mettre à l’abri, abandonnant son ordinateur au milieu du patio de la maison, sans même un mot pour son interlocutrice. Du fait des coupures de courant et d’internet qui ont suivi, il n’a pu la prévenir que bien plus tard. Entre temps, elle avait eu le temps d’imaginer plusieurs scénario tous plus dramatiques les uns que les autres : appeler l’ambassade de France, regarder le prix d’un billet retour pour la France,… Une fois le choc passé et le courant revenu, la Bénemerita Autonoma Universidad de Puebla, l’université au sein de laquelle j’étudie, a publié un communiqué sur les réseaux sociaux afin de nous informer des mesures à suivre et des comportements à adopter ou pas. Il nous a par exemple été indiqué que nous ne devions pas fumer, du fait des risques de fuites de gaz ou encore que devions sortir le moins possible de notre domicile afin de laisser la voie libre aux secours mais également à cause des groupes vandalisant les magasins. Malgré ces consignes, de nombreux Mexicains se sont mobilisés pour venir en aide aux autorités locales, dégager les voies de circulation et rechercher les personnes enfouies sous les décombres des bâtiments effondrés dans toutes les villes touchées. Un immense élan de solidarité s’est spontanément mis en place, du même ordre que celui apparu en France après les attentats terroristes du 13 novembre 2015 au Bataclan.

Plusieurs tonnes de nourriture, d’eau et de vêtements ont été réunis en quelques heures. La Croix Rouge mexicaine a été obligée de renvoyer chez eux certains volontaires venus en trop grand nombre. Emmanuel Escobar Severino fait parti de ces personnes qui ont accouru dès qu’ils ont pu se rendre sur place. Pour cet étudiant en commerce international comme moi, d’origine dominicaine et arrivé au Mexique très jeune : « c’était normal d’aller aider, car les Mexicains sont très solidaires et je sais que si ma maison avait été détruite, plusieurs personnes que je ne connais même pas me seraient venues en aide ». C’est pourquoi en l’espace de deux jours il est allé aider les autorités locales dans trois lieux différents, sur la place principale de Puebla, à Atlixco et à Izucar de Matamoros, deux communes qui se situent respectivement à une trentaine et à une soixantaine de kilomètres au sud de la capitale de région. En plus d’apporter des denrées pour les personnes sinistrées, il a été très actif sur les réseaux sociaux pour informer les volontaires sur les lieux où se rendre et sur les produits les plus urgents à fournir. Aujourd’hui, grâce à la mobilisation générale et à l’aide internationale la vie commence à redevenir normale, malgré un sentiment de peur et d’appréhension ambiant.

Le tremblement de terre de magnitude 6,4 et l’éruption du Popocatepetl survenus les 23 et 28 septembre derniers, prouvent que la vigilance reste de vigueur.

Article rédigé par Rémi Perrier (Université Rennes 2)

Written By: Le P'tit Rennais

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