Interview avec Fatras, le groupe en état d’arrestation

Le groupe Fatras fête ses 10 ans cette année et est venu nous rendre visite dans nos locaux, tout beaux tout neufs, pour nous parler de son nouveau projet : la prison.

 

Le P’tit Rennais : Fatras, on est ravi de vous accueillir pour une interview ! Pouvez-vous vous présenter ?

Fatras : Je suis Laurent, le batteur de Fatras, Édouard le saxophoniste, et François le comédien. Nous sommes sept musiciens et un comédien sur scène. A l’épreuve des Pavés ! est notre nouveau spectacle de rue, ainsi que notre dernier album.

Le groupe Fatras a 10 ans cette année. On s’est rencontré il y a bien plus longtemps. Le démarrage s’est fait avec Olivier, Benjamin (aujourd’hui Monty Picon), et moi-même (Laurent). On se connaît depuis qu’on est enfants. Fatras est né au fur et à mesure des années de connivence musicale entre nous et des rencontres que nous avons pu faire.

On a commencé à jouer sur scène. On a fait deux albums, Vie de Grenier et Virevoltige. On a eu un changement de chanteur (Benjamin a été remplacé par Mathieu), ce qui nous a mené progressivement à développer le spectacle de rue et à créer G.A.S.T.O.N, notre premier spectacle de rue qui a donné lieu à 3 EP’s / tomes.

 

 

LPR : Puisque Fatras offre du spectacle, vous considérez que vous êtes un groupe de musique, ou plutôt une troupe de théâtre ?

E : A l’origine, on est des musiciens. Maintenant, on a un comédien en plus, mais chacun de nous est originaire de la musique. On s’est pris au jeu à travers notre spectacle.

Il y avait déjà des prémisses de spectacle, sachant que cela reste un concert avec quelques scènes de théâtre. Mais on ne peut pas dire que c’est du théâtre à part entière au fur et à mesure de l’expérience et du jeu avec le public.

De même, avec ce nouveau spectacle, on a poussé le curseur du théâtre encore plus loin. L’histoire est en fait un prétexte au concert et il n’y a pas vraiment de formation qui propose cela. Des amis, dont le spectacle s’intitule Hic, ont choisi de faire quelque chose de similaire. On est peu nombreux à faire ce type de spectacle musical.

On peut avoir un peu de musique dans une pièce de théâtre, mais l’inverse n’est pas courant, notamment dans la rue. Ce spectacle a des chansons qui lui appartiennent, et il est difficile de les jouer dans un autre cadre. Le spectacle précédent, G.A.S.T.O.N, était pareil : on avait fait appel à un metteur en scène, on a créé un imaginaire, une narration, et on a composé les textes en fonction du scénario. Les chansons sont donc intimement liées à l’histoire.

Autant G.A.S.T.O.N était un voyage imaginaire d’un monsieur loyal, Gaston Cheval, qui avait fait des rencontres improbables le long de son parcours imaginaire, autant on a gardé l’aspect éclectique des chansons. Par contre, cette fois, on est parti dans un univers carcéral, totalement différent, sans pour autant faire quelque chose de dramatique ou de très réaliste.

F : Le pitch est le suivant : sept prisonniers sont amenés à faire un concert à l’extérieur de la prison, et le jour du concert, le maton se retrouve à devoir tout gérer seul, et ça part un peu en vrille. On a choisi la prison parce qu’on n’en a pas fait. Après avoir longuement discuté du thème, on a mis du temps à se mettre d’accord. Visuellement, la prison, c’est percutant. Ça permettait d’avoir un sujet. Chaque chanson parle alors d’une facette de la prison et de la vie d’un détenu en incarcération. On a aussi fait confiance à notre metteur en scène, Gildas Puget, alias Chtou, de la compagnie Qualité Street, pour poser le curseur où il fallait et au bon moment afin de donner le bon rythme au spectacle.

 

 

LPR : Comment avez-vous donc fait pour vous documenter ?

L : Certains membres du groupe on eu la chance d’échanger avec un ex-surveillant pénitentiaire. Pour voir les deux aspects de la prison, d’un côté, celui des matons, et de l’autre, celui des prisonniers, on a également discuté avec des anciens prisonniers. On a même mis en place des ateliers d’écriture avec quelques détenus de la prison de Laval.

Bien sûr, on voulait faire quelque chose de léger, mais sans véhiculer des idées erronées. On ne voulait pas manquer de respect, se retrouver en face d’un ex-prisonnier dans le public et le choquer.

E : On a donc pris contact avec des personnes issues des deux côtés, et on a retenu ce qui nous intéressait. C’est comme ça que tu te retrouves avec un spectacle plein d’influences. On a essayé de retrouver ce côté un peu fou, un peu décalé, pour traiter le sujet de la prison. Un peu comme dans O’Brother, des Frères Cohen.

Aussi, on s’est vite rendu compte que les thèmes à aborder dans l’univers carcéral peuvent avoir un lien avec nos propres vies. C’est comme une métaphore : notre situation d’enfermement, le rapport à la solitude. Qu’on soit devant ou derrière les barreaux, on peut ressentir ces choses-là.

LPR : Avez-vous déjà joué le spectacle ?

E : Pour le faire, on a eu des co-producteurs, comme par exemple le Centre culturel Juliette Drouet à Fougères, et Bleu Pluriel à Trégueux. On a fait une date dans chaque lieu, et à la fin, on a aussi fait une date au petit Théâtre de Pontivy et à la Grange aux Abeilles au Gouray (lieu où on a enregistré l’album).

LPR : Une petite anecdote que vous voulez partager ?

L : Je me souviens avoir embarqué un téléphone portable. Ça a duré 35 minutes, le mec n’avait pas son téléphone, c’était assez drôle. Il flippait un peu. Malheureusement, ce n’était pas un téléphone récent, j’aurais aimé prendre des photos du spectacle avec pour le lui rendre par la suite. Ça lui aurait fait des souvenirs uniques !

E : On a aussi eu des retours assez émouvants. Lors de notre première date (une date test en Mayenne), nous avons joué à l’occasion d’une soirée privée. Un mec est venu nous voir en pleurant à la fin du spectacle. C’était un ancien officier de la légion d’honneur, un milieu où tu dois choisir entre la légion et la prison. C’est quand même un cadre assez spécial. Il nous disait que le message du spectacle avait mis en exergue un certain nombre de choses qui arrivent vraiment dans ces milieux. Il était ému par le message un peu humaniste et philosophique qui en ressortait, ça l’avait vraiment touché. Quand tu vois un mec comme ça, en larmes, en train de discuter de ce sujet, ça te touche énormément.

Written By: L'Hermite Sombre

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