La ZAD, laboratoire projectiviste #2

La ZAD est un événement qui ne date pas d’hier. On est donc en droit de se demander pourquoi il a fallu attendre aussi longtemps pour s’en inquiéter. Et si notre beau système occidental n’était tout simplement plus aussi sûr de lui ? En terme d’idéologie, sa suprématie est peut-être en train de se fragiliser, d’où cette répression violente d’une bulle d’idées qui a le don d’exister malgré son imperfection.

 

Mais cette bulle d’idées, en plus d’être une volonté altermondialiste, est aussi une réaction logique aux pressions capitalistes. A force de prôner cette unique idéologie, l’être humain a envie d’aller voir ailleurs. Cela fait partie de sa nature. Il veut découvrir, voir au-delà de ce qu’on lui montre.

 

Analogie intelligente et projectivisme

Reprenons l’intelligente analogie d’une des personnes interrogées pour expliciter ce point de vue.

« En design, pour arriver à un produit fini, il faut commencer par faire des recherches, des essais pour comprendre ce qui peut marcher. Les différents prototypes qui vont en sortir ne seront pas commercialisés. Mais ils pourront nourrir les différentes réflexions pour arriver à un produit fini. Pour la société, c’est pareil. Si elle n’accepte pas de prototypes de sociétés pour en retenir le meilleur, elle ne pourra pas avancer. »

Ce n’est ni une idée saugrenue, ni une réflexion politique. C’est juste comme cela qu’un système fonctionne. S’il n’est pas prêt à se métisser avec d’autres cultures, d’autres idées de fonctionnement, il ne peut qu’être voué à sa perte. Pour subsister et ne pas imploser sous la pression de l’entropie, il doit donc se complexifier, s’enrichir d’informations et de nouvelles structures. Il est d’ailleurs intéressant de rappeler que tous ces événements ont déjà été théorisés dans les années 1960-1970 par des courants de pensée scientifique que l’on a réunis sous l’appellation de « projectivisme », avec pour fers de lance des noms comme Norbert Wiener (inventeur de la cybernétique) ou encore John Brunner (auteur de Tous à Zanzibar). Cette branche scientifique fut mise en place pour penser le futur.

 

 

Le projectivisme mettait en avant le besoin d’un système sociétal de construire des laboratoires dans un esprit proche de l’anarchie (là encore, loin des clichés véhiculés par les médias traditionnels, l’anarchie n’étant pas chaos et destruction !), pour pouvoir subsister et se confronter aux problématiques de l’avenir : environnement, internet, racisme et autre surpopulation. Avec ce socle d’axiomes, toute une nouvelle pensée issue de la science-fiction est née, loin de l’utopie technologique d’un Asimov. En tête de proue, on retrouvait Philip K. Dick ou encore William Gibson, inventeur du cyberpunk. Tout un mouvement contestataire s’est ensuite mis en place dans l’imaginaire collectif. Mais ça, c’est encore une autre histoire.

Ce courant scientifico-littéraire a en quelque sorte été tué dans l’œuf. On en entend très peu parler, mais je vous invite à vous pencher sur les débuts de la cybernétique et des sciences cognitives pour en comprendre les causes. Les différentes conférences de Macy notamment, sont décisives pour approcher les problématiques mises en exergue dans cet article.

 

La ZAD, plus qu’un lieu, une idée

Cette digression pour dire que la ZAD fait partie d’un plan d’action bien plus large et plus profond qu’on ne le pense, et que si les choses ne changent pas, il y aura d’autres ZAD. Elles seront mieux construites, optimisées, plus complexes et donc moins sensibles à la pression entropique de notre société. Car la ZAD, ce n’est pas un lieu, mais une idée.

Tant que cette idée de liberté sera présente, le contrôle autoritaire et violent ne pourra pas gagner. Le but n’est pas de détruire la société, mais de la changer. La société, ou tout du moins son idéologie se détruit déjà très bien toute seule, et ces laboratoires projectivistes ont pour but d’accompagner cette chute dans le moins de violence possible.

Au final, le but de la ZAD, c’est la paix. Malheureusement, à travers les médias traditionnels, on ne peut entrevoir que la violence. Alors la prochaine fois que l’on vous parlera de cette notion, n’oubliez pas que la ZAD n’en est qu’au stade embryonnaire et que sous une autre appellation, elle prendra de l’ampleur. On y testera différentes idéologies, des courants philosophiques, pour par la suite les intégrer dans la société mère. Notre système sera alors une constellation de philosophies de vie qui seront interdépendantes et qui s’échangeront leurs points de vue via un système d’information très performant. L’Homme alors pourra surmonter les défis à venir pour subsister, car la vie n’est pas si simple et ne le sera jamais…

 

Written By: L'Hermite Sombre

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