Sous le pont

Mythos : Rencontre avec Amre Sawah, metteur en scène de Sous le pont

Sous le pont est aussi l’histoire d’une rencontre, celle d’Amre Sawah et d’Abdulrahman Khallouf, tous deux syriens, sur les bancs de l’Institut Supérieur d’Arts Dramatiques de Damas à la fin des années 1990. Lorsqu’Amre quitte la Syrie, puis le Liban, pour la France, il décide de s’installer à Bordeaux, où vit son ami Abdulrahman depuis 2012. Après Secrets de Familles, ils travaillent de nouveau ensemble sur « Sous le pont ».


© Elodie Le Gall au festival Mythos

« Sous le pont » ou soixante minutes dans la vie d’un réfugié Syrien. Une heure pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui, c’est un sacré pari !

« C’est une histoire d’amitié entre moi et Abdulrahman Khallouf, nous sommes amis depuis vingt ans. On a tous les deux quitté la Syrie en 2002, nous nous sommes retrouvés en France pour avoir un projet commun. Il a dirigé une pièce que j’ai écrite et aujourd’hui c’est moi qui met en scène une de ses pièces. Cette pièce, c’est sur les relations, et certaines scènes sont vraiment vécues; la partie sur l’arrestation m’est vraiment arrivée. C’est une pièce très personnelle qui réunit beaucoup de mes souvenirs, beaucoup de passion dans l’écriture du texte. Mon histoire ne parle pas seulement d’un réfugié Syriens, mais parle de tous les réfugiés. Aujourd’hui, on parle beaucoup des réfugiés syriens, mais on devrait aussi parler de tous les autres, au Sud-Soudan, au Kenya, en Bosnie, en Amérique du Sud… et personne n’en parle. »

L’histoire de ce jeune réfugié se déroule à travers des rencontres, pourquoi?

« Durant les dernières années, Abdel (l’auteur) a aidé beaucoup de réfugiés, en écrivant leurs histoires, et même moi, il m’a aidé à écrire mon histoire afin de pouvoir obtenir le statut de réfugié. Il a traduit aussi beaucoup de poésies pour les gens qui sortaient de la Syrie. »

© Val Asselain au festival Mythos

Comment voulez-vous que le public réagisse ? Vous voudriez que les consciences s’éveillent et que plus de personnes se bougent pour aider les réfugiés?

« Je pense que, de manière générale, en France, les gens cherchent à aider. Que ça soit à droite ou à gauche, certains essayent vraiment d’aider et de donner. Évidemment, il y a aussi ceux qui ne souhaitent pas les aider, qui n’en veulent pas dans leur pays, et qui essayent de faire annuler mon spectacle. Mais, généralement, ils aident. Le problème, ce n’est pas avec les gens, pas avec le gouvernement, c’est plutôt la situation politique là-bas. Le vrai moyen de s’en sortir est de se débarrasser de Bachar Al-Assad. Malheureusement, ce n’est pas dit dans la pièce, je ne peux pas forcer les gens à réfléchir. À la fin de la pièce, on a une comédie noire, dans laquelle on parle de mort, et le public rigole alors qu’il ne devrait pas. Mais cette partie de la pièce devrait amener le public à rire, et à réfléchir. Ce n’est pas le genre de pièce que tu sors voir et qui agit sur toi directement. Je pense qu’il faut du temps, et j’ai eu cette réaction chez plein de personnes à Bordeaux, lors de la première, qui sont venus me voir au bout de quelques jours et m’ont dit « Mais comment as-tu pu nous faire ça? On a rigolé de quelque chose dont on ne devrait pas. On s’est vraiment senti mal ». Il y des gens qui rient, des gens qui pleurent. Les Syriens l’ont vu et on ri sur leur propre misère. Je ne crois pas que l’art puisse avoir un effet direct sur les gens, je pense que ça s’accumule, le théâtre, la peinture, la musique etc… c’est tout ça ensemble qui un jour peut avoir un effet. Et je pense que le théâtre, c’est plutôt « documenter le moment ».

© Elodie Le Gall au festival Mythos

Written By: Anne Sophie Gombert

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