
A la rencontre de Moundrag – Interview spatialement Rock
Les deux frangins de Paimpol nous ont accueillis dans leurs loges quelques heures avant de monter sur la scène de l’Ubu; le temps de parler musique, protéines et tournée en Espagne.
Vous venez juste de sortir votre album Hic Sunt Moundrages, comment vous sentez-vous ?
Camille : On est très contents qu’il soit enfin sorti.
On a composé en 2019 pour l’enregistrer après la période du Covid, en février 2021, dans un studio à côté de Rennes. Il a été remixé par Goudzou, bassiste des Koomodor. Cela faisait deux ans qu’on était dessus, entre les enregistrements, les mixages, le graphisme etc…. cela a pris beaucoup de temps, mais comme c’était notre premier album, on voulait faire ça du mieux que l’on pouvait.

Vous êtes attachés à pas mal de thématiques différentes, notamment la spiritualité, qui ressort ici dans dans les textes ainsi que la pochette. Comment cela s’intègre et s’imprègne-t-il dans votre processus créatif ?
Camille : C’est plutôt dans les paroles que l’on retrouve cette dimension, car même si il y a un orgue, il n’était pas utilisé ici dans sa sonorité « religieuse ». On essaye de dire aux gens que si on n’arrête pas la course infernale vers le chaos, le désordre et tous les problèmes sociétaux et écologiques, on va droit dans le mur. Il y a un mec qui nous a dit qu’on était éco-anxieux ! Pour nous, la race humaine est condamnée, et la seule façon de survivre à tout ça, et d’empêcher cette fatalité de destruction suprême et ultime, c’est de porter un message d’amour, qui peut nous sauver de tout ça. C’est un thème un peu fleur bleue, mais à l’heure actuelle, il y a beaucoup de gens qui ont perdu ça de vue, et qui sont concentrés sur des trucs à la con, des biens matériels, des idées à cause des réseaux sociaux, et je pense qu’on perd le côté humain. On perd notre humanité en voulant toujours plus vite, toujours plus haut.
La face B de votre album est «La Poule », 20 minutes, cet animal que l’on retrouve aussi sur la pochette de l’album. Je fais écho à ce que tu viens de dire, au-delà de la métaphore de l’œuf ou la poule, vous posez la question du cycle de la Vie ; dans quel contexte avez-vous puisé l’inspiration ? Comment est née cette poule ?
Camille : On a tout de suite eu l’idée de faire un long morceau en face B, en hommage aux groupes des années 70, la face A étant plutôt celle des singles. La B, c’est celle qui te transporte dans un univers qu’on a choisi de faire ressortir avec la pochette d’album, qui est une énorme poule vivant au milieu d’un désert.
Colin : Le visage de cette poule est aussi libre d’interprétation, c’est un mélange de monstre et de chimère qui se meut dans des terres désertiques, avec un aspect draconique. Ne serait-ce pas une idée de notre futur, de notre planète ? Ce format de vingt minutes est très intéressant parce qu’on peut vraiment explorer et prendre le temps pour faire de la musique, pour parler de nos thématiques et partir loin. Alors que tu retrouveras toujours les mêmes structures sur un morceau de 4 minutes, c’est radiophonique. Ici, il y a plein de parties, certaines sont chantées, avec toutes les inspirations des années 70, c’est un long morceau, c’est une double pochette d’album, c’est un immense paysage dans lequel on a voulu s’enfoncer.

Les années 70, c’est plutôt la génération de vos parents. Ce sont eux qui vous ont mis sur cette voie, ou vous y êtes venus par vous-mêmes ?
Camille : C’est notre oncle, qui est irlandais, qui nous a mis sur la voie du Rock n’ roll ! On le voyait une fois par an, sur les coups de Noël. Quand on a été en âge d’écouter de la musique, vers 10-11 ans, il a commencé par nous offrir des compilations de blues, après un CD de Led Zeppelin, et au fur et à mesure, quand j’ai eu 13 ans, il m’a offert « Live in Japan » de Deep Purple, et c’est là où on a eu cette révélation, et on où l’on s’est décidés à faire du rock n’ roll.
Colin : Mais c’est vrai que le chemin était plus ou moins tracé. Nos parents étaient dans la musique, ils sont musiciens, et on a baigné la-dedans. La musique fait partie de nous depuis qu’on est gamins, elle a toujours été là. Même quand notre mère était enceinte, elle faisait des concerts. Elle nous a toujours raconté que lorsqu’elle faisait ses balances de batteries, les fœtus que nous étions bougeaient aussi !
Dans le style musical (et vestimentaire), vous me faites penser à DeWolff. Est-ce que c’est un groupe qui vous influence, ou un groupe parallèle en terme de chemin artistique? De manière générale, qui vous influence ?
Camille : Non, je ne dirais pas que c’est un groupe qui nous influence. Je pense que c’est un groupe qui gravite autour de nos influences communes, je ne les connais pas personnellement mais je suis sûr que nous avons les mêmes influences, on s’entend forcément sur des groupes qu’on connaît tous.
Colin : Moi je dirais que oui. Pendant deux-trois ans, j’étais fan absolu de DeWolff, j’ai tous les albums à la maison, j’ai bossé tous les plans de batteur, à tel point d’avoir quasiment à un moment le même jeu, quand tu cherches à trouver ton style. Avant c’était le batteur des Foo Fighters, et puis le batteur de DeWolff,donc oui c’est une grosse influence. C’est vrai que dans la scène européenne du rock revival des années 70, il n’y a pas mille groupes. Eux font vraiment partie du classic rock ; nous c’est particulier parce que c’est pas du vrai rock 70, parce qu’à l’époque, il n’y a pas eu du rock prog à deux hors batterie, et en faisant avec des influences modernes. On ne peut pas faire un son purement 70, ce n’est plus possible, on peut s’en rapprocher le plus possible.
Camille : Pour rebondir sur ce que vient de dire Colin, on peut se rapprocher de ce qui aurait pu sonner dans les années 70, tout en gardant notre patte 2022 !
Vous avez tourné pas mal en Espagne. Est-ce que c’est un pays avec une culture du rock revival ?
Camille: Je dirais surtout que c’est en France qu’il n’y a pas cette culture. Ici, on écoute de la chanson, on produit de la chanson. Dans les autres pays européens, c’est beaucoup plus représenté dans les médias. Chez les Anglo-Saxons, c’est le contraire, c’est d’abord la musique.
Colin : C’est vrai qu’on est allés plusieurs fois en Espagne, on est tombés à chaque fois sur des gens passionnés par le rock des années 70.
En Espagne, les salles sont très peu subventionnées. Il doit y avoir du monde, sinon ils perdent de l’argent. De ce fait, il y a énormément de gens à aller voir des concerts, alors qu’en France, tu peux avoir des salles qui tournent à vide.
Colin : Même pour les stations radio en Espagne, il y a beaucoup plus de sons qui sont des sons des années 70…
LPR: Je rebondis sur ce que tu dis par rapport aux SMAC (Scènes de Musique Actuelle), en France on a cette politique de « prise de risque » de faire une proposition qui soit différente, au risque de ne pas être dans quelque chose qui rapporte, mais de ce point de vue, c’est carrément défendable.
Camille : Oui bien sûr, et sans ça en France, il y aurait énormément de gens qui ne pourraient pas vivre de leur art, et nous en premier. Dans les pays comme l’Espagne, les gens sont plus habitués à payer une place de concert pour aller voir des petits groupes qu’ils ne connaissent même pas, alors qu’en France, c’est un peu le contraire. On va plutôt préférer aller voir des énormes trucs, alors que les petits groupes qui passent dans des SMAC vont peut-être parfois être mis de côté.
AS : Avez-vous senti une ferveur différente de la part du public espagnol ?
Camille : Ce que je retrouve marrant, c’est que c’est surtout en fonction de la salle dans laquelle il est.
LPR: Est ce que l’expérience de la tournée vous a fait évoluer ?
Camille : C’est un peu une capsule dans le temps, ton espace vital se résume à un siège dans un camion pour dormir pendant quelques semaines. Ou alors tu fais de la route , tu passes ta journée à rouler, tu arrives dans les clubs ou salles de concert, tu joues et tu vas à l’hôtel. Les journées se ressemblent un peu, mais on aime bien ça. Peut-être aussi parce qu’on est jeunes, quand on aura quarante ou cinquante ans, on aura fait le tour. On verra quand on aura plus de cheveux ! Il faut en profiter !
LPR : L’année dernière, vous avez mis le feu au Hall 3 le samedi soir. Le covid m’a empêchée de vivre ce moment, bon, je l’ai vécu par procuration avec les potes qui me faisaient les envoyés spéciaux sur place. Ce soir, j’ai ma revanche. Je dois m’attendre à quoi ?!
Camille : Alors ce soir, tu vas voir pour la première fois Komodor, pour la première fois Moondrag, et comme on est ensemble, en général à chaque fois on prépare une petite surprise ! Donc on va faire un petit Komodrag ! Ici, on n’a pas les conditions pour mettre les deux batteries sur scène, mais on va le faire en format fiesta !
Thomas : D’ailleurs comment vous êtes-vous rencontrés ?
Camille : Komodor, on les a rencontrés en 2018, le guitariste de Komodor m’avait envoyé un message sur Facebook, pour nous inviter à Douarnenez. J’avais vu sur leur Facebook qu’il y avait un concert qu’ils faisaient le même weekend où j’étais invité, et Colin m’a demandé de leur proposer de faire leur première partie. Ils ont dit oui, et ça s’est monté comme ça. Cela s’est fait naturellement. Et depuis, on ne se quitte plus. On a fait beaucoup de concerts ensemble, la tournée en Espagne en avril dernier. On partage beaucoup ensemble. En novembre, c’est surtout le projet Komodor/ Moondrag/ Komodrag que l’on va aller défendre en SMAC.
Thomas. Comment placez-vous ce projet dans vos carrières respectives ? C’est un peu la cerise sur le gâteau, ou c’est devenu un vrai projet ?
Colin: C’est devenu un vrai projet .
Camille : On ne sait pas où ça va nous mener. On a nos projets respectifs, et on a un gros groupe ensemble, et peut-être que c’est celui-là qui va percer. En fait, on ne sait pas, on est là. On est juste contents de jouer ensemble dans Komodrag.
LPR : Merci beaucoup pour votre temps, et à ce soir !!
Merci Le P’tit Rennais !