Alfa Mist à l’Ubu, une défonce littéraire

On est allés voir Alfa Mist à l’Ubu il y a peu. Retour sur cette séance de Jam quasi spirituelle entre de très grands artistes et un public en communion.

Alfa Mist, c’est plus que juste un claviériste, c’est l’un des étendards de la nouvelle scène Jazz anglaise. Parce que oui, depuis un petit moment, c’est de Londres que les nouveaux génies musicaux émergent. Comme un bain bouillonnant, une matrice magmatique, on assiste à la mue perpétuelle du Jazz. Dans ce nouveau chapitre, le Hip-hop vient s’inviter dans la danse, ouvrant les portes du temple à plein de nouveaux adeptes, prêts à s’agenouiller devant cet art divin.

Lorsque j’écoutais le concert, c’est comme une sorte de flashback qui m’est revenu : mes premières années d’études au moment de ma découverte du Jazz. Je m’étais même mis à la trompette à cette époque, pour dire. J’ai ressenti ces moments car Alfa Mist résume ce que j’ai toujours pensé du Jazz. C’est une ligne de dialogue qui m’a fait aimer le Jazz. C’est dans le film Naked Lunch de Cronenberg. Il y a ce personnage qui se drogue à l’insecticide, ne me demandez pas pourquoi, c’est Cronenberg, mais à ce moment-là, il explique à un autre personnage qu’il ne peut pas comprendre, que c’est comme une défonce littéraire. C’est ce que je ressens depuis cet instant lorsque j’écoute du Jazz. C’est étrange, quelque chose d’intellectuel, mais très sensoriel. Le Jazz vous fait planer sans drogue et vous fait réfléchir à des concepts super profonds. Enfin, pour moi, ça a vraiment été le cas. Certains écoutent de la Techno pour ça, moi c’est le Jazz. Ce Jazz. Celui qui est généreux, qui est conscient de son époque et qui traite de façon presque spirituelle les problématiques qui sont celles d’un artiste en perpétuelle quête de création. Il y a vraiment cette forme d’intellectualité dans cette aura que dégage un artiste de cette trempe.

Si j’ai reçu en pleine face ce flash-back, c’est aussi parce qu’on pouvait ressentir une grande symbiose entre les musiciens, comme dans une jam. Perdus dans un état de transe, ils se complétaient et le public était invité. Il y avait dans l’air, comme je disais plus haut, une défonce littéraire. Ce genre d’expérience est très rare, il existe très peu d’artistes capables de plonger toute une salle dans une symbiose comme celle-ci. Dans le Bouddhisme Zen, on nomme ça le kenshō, qui est « la petite révélation ». Il faut voir ça comme une prise de conscience avec du recul sur notre existence. Un bout du voile qui glisse, nous révélant un tout petit pan de la vérité. Ça a l’air perché dit comme ça (d’ailleurs tout cet article est perché, je ne sais même pas si j’ai bien rempli les cases du cahier des charges d’un article de report d’un concert à l’Ubu) mais voici une fenêtre vers mon ressenti. Si vous avez moyen de voir un artiste de cette trempe, foncez! Vous ne le regretterez pas.

Photographie : Marie Kowalski

Written By: L'Hermite Sombre