Drag Race France : interview avec La Briochée en toute simplicité

Jeudi dernier, Le Liberté accueillait la tournée des drags de l’émission Drag Race France pour un show exceptionnel et unique dans notre pays. Très populaire outre-Atlantique, cette émission compte d’ores et déjà quatorze saisons aux États-Unis. Lancée par la célèbre Drag Queen RuPaul, elle fut démocratisée dans l’Hexagone grâce à Netflix.


Produite par EndemolShine et diffusée par France TV à partir du 25 juin 2022, l’émission rencontre un succès fulgurant. Des diffusions sont organisées dans des bars où les fans attentifs et émus regardent ensemble ce nouvel événement culturel télévisuel.

Pour la première fois en France, des drags, des homosexuels et des trans sont représentés sur nos écrans. Une avancée considérable pour le milieu drag et LGBTQI+. À l’occasion du passage de l’émission à Rennes, Le P’tit Rennais a eu le plaisir de rencontrer la drag La Briochée, qui a accepté de répondre à nos questions.

Les origines de La Briochée

Comment êtes-vous devenue drag ?
J’ai découvert vraiment le Drag tel qu’on le connaît aujourd’hui grâce au Rupaul’s Drag Race. C’est une amie qui était fan du programme qui m’a dit « je te connais, toi qui aimes l’art et tout, regarde, ça va te parler, ça va te plaire » et effectivement, ça m’a beaucoup parlé, ça m’a beaucoup plu. Je me suis dit « ouah, toute cette liberté dans cet art ». En fait, je crois que ce qui m’a vraiment plu, c’est le fait que l’on maîtrisait son personnage de A à Z, qu’on créait, qu’on en faisait ce qu’on en voulait. J’aime me dire que je suis ma propre metteuse en scène avec La Briochée et j’adore cette liberté-là.

Comment vous est venu le nom de La Briochée ?
Au départ, je ne m’appelais pas La Briochée, c’est venu beaucoup plus tard. Il s’agissait du même personnage, avant c’était Maeve Merschun, qui veut dire « conte de fées » en allemand, et Maeve c’est mon nom de scène depuis bientôt dix ans. J’ai voulu le garder en me disant que les gens qui me suivent en tant que chanteuse allaient me suivre en tant que drag, et en fait pas du tout. (Rires.)
J’ai adopté La Briochée quand je suis rentrée au cabaret de Madame Arthur. Je voulais quelque chose de très français parce que c’est un cabaret ou l’on chante uniquement en français, et c’est Pigalle. Je voulais quelque chose qui soit inspiré par ce quartier historique, où l’on appelait les danseuses La Goulue, La Môme Fromage, Grille d’égout… que ça reste aussi tout cet univers-là. « La Briochée » parce que j’ai aussi de la famille de Nantes, et en Vendée (même si moi je suis née en Charente-Maritime)… et la gâche vendéenne a été un petit déjeuner pendant toute mon enfance. Tout ce petit mélange, ça a donné La Briochée. Au moins c’est universel, tout le monde sait ce qu’est une brioche…

Quelle est la place des femmes, trans ou non, dans le Drag ?
En fait, la place des femmes et des femmes trans dans le Drag a toujours été là. Bambi du cabaret Arthur disait elle-même dans les années cinquante-soixante qu’ il y avait des femmes qui montaient sur scène, qui se travestissaient en fait. On a toujours été là, et comme on a toujours invisibilisé les femmes par rapport aux hommes, on a tendance à nous faire croire qu’on débarque dans cet art récemment. On rappelle quand même que les émeutes de Stonewall, c’étaient deux drag queens trans qui étaient à la tête du mouvement, donc on a toujours fait partie de cette histoire-là. Il est temps qu’on nous redonne cette place. On a autant notre place que n’importe qui. On est toutes et tous à notre place dans le Drag.

Drag Race France, une révolution dans le monde culturel

En tant que femme trans et drag, comment voyez-vous le débat médiatique autour de la transidentité ?
Je le vois de deux manières. Premièrement, c’est absolument désolant que l’ont débatte de nos identités trans, elles ne sont pas un débat. C’est un fait : nous existons. Quand on dit : « je m’appelle Maéva, je suis une femme trans« , on ne te demande pas si tu es d’accord avec cette affirmation, on t’informe. Quand je te dis que mes pronoms c’est « elle », je ne te demande pas si tu es d’accord ou pas avec mon apparence. Moi je t’informe sur mon identité et je te demande de la respecter. Je ne te demande pas de la comprendre. Je ne te demande pas le pourquoi du comment j’en suis arrivée là, ce n’est pas ça qu’on demande. Ce qu’on demande c’est : respecte-moi, appelle moi Maéva, c’est surtout ça. Il n’y a pas de débat à avoir.

D’autre part, toutes les évolutions sociétales sont arrivées et on commencé par le débat. Les débats autour de la transidentité me font penser aux débats qui ont eu lieu pour le mariage pour tous. Il faut qu’on passe par là, par ces clivages pour qu’on se rende compte finalement que ça a sa place dans la société. Que justement ça ne fasse plus partie du débat, mais que ça fasse partie du paysage. Donc je le perçois aussi comme un espoir. Si nous n’étions pas aussi visibles, à prendre cette place qui est la nôtre dans notre société, nous n’aurions pas autant de voix qui viendraient faire bouillonner tout cela. Donc pour moi, c’est aussi un signe que ça fait bouger la société et qu’on commence à prendre la place que l’on devrait avoir dans cette société.

Pensez-vous que l’émission peut permettre une ouverture d’esprit ?
Avec cette émission, on a changé la face de la France, la face du paysage audiovisuel français. On est la première émission queer du service public, avec des pédés et des trans. Pour une fois c’est une émission faite par nous, pour nous et qu’avec nous. Ça n’a pas été pris par des personnes cis-hétéronormées, qui ont senti le bon filon pour exploiter le bordel. Ça n’a été fait qu’avec des personnes queer, notre famille, ce qui fait que l’émission a été bien faite et ça s’est ressenti tel quel.

Le Drag est avant tout une histoire d’amour

Comment vous êtes-vous retrouvée dans Drag Race France ?
Il y avait eu une annonce, on a dit qu’on était partant et on a reçu un formulaire. On a rempli le dossier, parcouru les étapes et we’re here. On a réussi parmi cinq cents candidatures, c’est formidable !

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait se lancer dans le Drag ?
Moi le conseil que je donnerais, c’est d’aller puiser dans ce qui fait que lui ou elle vibre. En fait, on remarque que lorsque l’on fait du drag, on ressort toutes les références qui nous font vibrer depuis l’enfance.

Moi ce sont des actrices américaines des années cinquante, des personnages de dessin animé, des jeux vidéos. Puis ça bouillonne et c’est ce mélange qui vous ressemble. Interrogez-vous sur pourquoi vous avez envie de faire du Drag. Parce que si vous faites ça pour la hype, l’argent, parce qu’on peut se dire que c’est à la mode… eh bien non, ce n’est pas ça, et vous allez vous prendre un mur. De toute manière, quand les choses ne sont pas faites sincèrement, on ne peut pas tromper les gens autour de soi. Donc faites-le par amour du Drag et par amour pour vous. Être drag, c’est se dévoiler aux gens et non dresser un mur avec les gens.

Romain Berger -DONNEZ-LEUR DE LA BRIOCHE (2022)

Nous vous proposons également un retour en images sur cette soirée de spectacle exceptionnelle au Liberté. Neuf drags de l’émission étaient présentes, accompagnées de la merveilleuse présentatrice Nicky Doll et de leurs fantastiques danseurs. Devant une salle complète, elles nous ont présenté trois heures de show, avec du chant, de la danse et bien sûr de l’humour !

© Lia Goarand

Written By: Clémence Le Denmat