Krismenn : « La langue bretonne est comme un instrument pour moi » [39èmes Rencontres Trans Musicales]

Krismenn, artiste breton polyvalent, n’hésite pas à mêler le traditionnel avec les mots. Mais attention, mots bretons. Ayant déjà une carrière musicale bien encrée derrière lui, c’est avec un album rap qu’il s’est présenté aux Trans Musicales cette année. Comment toucher le public sans comprendre les textes ? Par la beauté d’une langue, des sons. Et c’est ce qu’il nous explique joliment dans cette entrevue.


Peux-tu nous expliquer en quelques mots ton parcours ?

J’ai commencé par la musique traditionnelle, j’ai joué dans un bagad pendant mon adolescence et j’ai découvert le chant traditionnel en breton. Et je me suis dit : « c’est ça que je veux faire, chanter le chant a cappella et apprendre le breton. » Ça m’intéressait vraiment à fond. J’ai toujours aimé chanter mais je ne savais pas vraiment quoi. Au fur et à mesure que j’appris le breton, j’ai eu envie de créer des choses dans cette langue là et sortir peu à peu de la musique traditionnelle même si j’en fais encore régulièrement. Pour moi le plus important était de créer.

Pourquoi ce choix du breton qui est une langue spécifique, que tout le monde ne parle pas ?

Car ça m’intéressait pour le chant traditionnel et puis parce que c’est une matière musicale. Cette langue apporte quelque chose d’autre, elle est comme un instrument pour moi. J’ai envie de créer avec cet instrument là. Pour moi ce qui est important c’est la diversité. Je trouve ça dommage, même si c’est super, que plein de groupes francophone aillent chercher l’anglais pour trouver des sonorités. C’est pour ça aussi que j’utilise le breton comme alternative.

Moi qui ne parle pas breton, j’arrive à être touchée par tes textes grâce à l’émotion que tu y mets. Mais quels sujets abordes-tu dedans ?

Je fais du rap donc je parle de ce qui m’entoure, de moi. J’essaie de toujours parler de manière un peu détournée. Je fais du rap mais tout ce qui est « dick, shit…», ce ne sont pas des sujets qui m’intéressent même si je n’ai absolument rien contre ça. Ce n’est pas ce que j’ai envie de dire. Je préfère être dans quelque chose d’un peu plus personnel et abstrait.

C’est toi qui compose et joue les musiques sur lesquels tu chantes ?

Pour ce projet là, j’ai fait la musique chez moi avec beaucoup de choses enregistrées à la maison. J’habite dans les bois alors je voulais profiter de ce qui m’entourait pour l’intégrer à la création. Parfois on entend des craquements de bois…Pas mal de choses sont enregistrées comme ça. L’idée, c’est d’à la fois puiser dans ce qui m’entoure et aussi un peu partout grâce à internet. Dans mes goûts musicaux, j’étais à chaque fois bloqué pendant un moment sur une certaine époque et j’adorais ça : avoir une période musicale assez longue pour pouvoir creuser le truc. Dans mes goûts musicaux j’ai quasiment traversé le 20ème siècle. Je suis passé par le blues, le folk…

Pourquoi le rap aujourd’hui ?

C’est ce qui me parlait plus. Quand j’ai eu l’envie d’écrire en breton ce qui m’intéressait, c’était à la fois la musicalité de la langue et l’engagement et la force que peut avoir le rap. C’est quelque chose qui m’a parlé, mais je ne fais pas que du rap. Je fais aussi des chansons plus relax aussi en breton. J’aime bien développer les contrastes, que ce soit à l’intérieur d’une chanson ou sur la continuité d’un album. En concert, il n’y a pas que du gros rap, j’aime bien aussi calmer le jeu.

Comment sont perçus tes textes ?

Ce que je trouve important c’est que des gens comme toi qui habites en Bretagne mais ne parle pas breton se posent des questions, c’est vraiment quelque chose de super ! Ca me fait plaisir qu’il y ait des gens qui viennent me voir en me disant que ça leur a fait changer d’avis sur le breton.

C’est un peu politique ce choix, non ?

Tout est politique, mais mes textes je ne pense pas. Je préfère toucher les gens d’une autre façon.

Tu es originaire de Bretagne ? Car ce serait amusant que tu t’intéresses au breton sans être originaire de la région !

Oui, j’ai grandi près de Brest et j’ai déménagé pour habiter dans le centre Bretagne. C’était presque un voyage à l’étranger pour moi car il y a vraiment une différence, la culture du breton est beaucoup plus utilisé. Tous les gens qui ont plus de 50 ans parlent breton là où j’habite. Et moi je voulais vraiment pouvoir m’imprégner de cette langue là. Et m’imprégner de la musique de cette langue.

Tu arrives à faire voyager un peu tes textes, les gens sont réceptifs ?

J’ai beaucoup tourné à l’étranger avec Alem. On était dans un truc plus performance qu’artistique. Il n’y avait pas la profondeur qu’il peut y avoir avec ce projet là, et l’idée de mettre les textes en avant. J’ai fait un clip cette semaine et j’ai mis le texte en avant et je trouve ça bien. Après, j’ai écouté beaucoup de musique de pleins de pays sans rien comprendre et ça ne m’a pas empêché d’être touché et d’aimer la musique. C’est pas incompatible.

Quelle est la prochaine étape ? Tu as des projets futurs ?

Je vais continuer de travailler avec cette formation. Le groupe s’est monté après l’album. L’idée est de continuer et d’aller vers un deuxième album, toujours avec l’idée de groupe. J’ai envie de continuer ça et je continue également en parallèle le duo avec Alem et continuer la tournée. Mais d’une manière complètement différente d’un projet à l’autre.

Merci Krismenn d’avoir pris le temps de répondre à nos questions !

Merci à vous, bonne journée !

Written By: Chloe

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