La place de la femme dans le cinéma

Entre persistance de la domination patriarcale et quête de reconnaissance féminine.


« Je ne suis pas une femme qui fait du cinéma, mais quelqu’un qui fait du cinéma », Coline Serreau

Depuis plusieurs siècles déjà, l’image de la femme diffusée dans nos sociétés est largement dévalorisée. Ce sexisme touche donc naturellement de multiples domaines et, depuis sa création, le cinéma n’a pas été épargné. Même s’il semble y avoir du mieux, tant dans les rôles attribués aux femmes à l’écran que dans les postes tenus derrière la caméra, il ne faut pas oublier que l’on revient de loin en matière de sexisme. Au vu des récentes actualités qui ont frappé les coulisses du 7ème art, difficile de passer à côté des mouvements féministes créés en réponse à ces viols et harcèlements sexuels.

Discriminations de genre dans le milieu cinématographique : le cinéma, « une affaire de garçon » ?

Certains diront que les femmes sont moins légitimes à être présentes dans le cinéma car ce domaine les intéresse moins. Pourtant, de tels propos sont tout aussi sexistes, considérant que la production est « une affaire de garçon ». Cependant, entre 2007 et 2016, 51% des élèves de la célèbre école de cinéma, la FEMIS, étaient des femmes, la parité étant alors respectée. La question de la reconnaissance des femmes reste pourtant primordiale : Ont-elles la légitimité qu’elles méritent ? Comment se faire une place dans ce milieu prônant l’hégémonie masculine ?

Concernant les inégalités salariales, le constat est tout aussi alarmant que dans notre société elle-même : selon un rapport du CNC, une femme réalisatrice gagne en moyenne 42% de moins qu’un homme, pour la même tâche et la même formation.

Pour permettre d’illustrer concrètement ces discriminations de genre, Chloé Garlatti, élève à l’Université de Montréal en deuxième année d’étude de cinéma, a accepté de nous livrer son témoignage : « De mon point de vue d’étudiante en cinéma, les filles ont plus tendance à se dévaloriser lorsque des opportunités se présentent à elles et ce, dès la formation aux métiers du cinéma. La répartition n’est clairement pas égalitaire : malgré la majorité de femmes, il n’y a aucune réalisatrice autour de moi, elles n’osent pas espérer de tels postes et exprimer leurs idées face au jugement des hommes. Il faut aider les femmes à prendre confiance en elles dès le début, pour leur permettre d’oser s’imposer dans des postes à haute responsabilité, de la même manière que les hommes » 

Dans la même lignée, la page Instagram « Paye ton Tournage » met en lumière différents abus sexistes dans le monde du cinéma : « Pour moi une femme n’a pas sa place dans l’équipe électro. Je n’engagerais pas de femme si on me demandait. C’est tout simplement un métier d’homme ».

Au-delà des tapis rouges, l’envers du décor entre viols et harcèlement sexuel

Les cendres de la retentissante « affaire Weinstein » sont loin d’être éteintes. La première révélation de Rose McGowall a résonné comme un véritable électrochoc dans le monde du cinéma. Depuis, de nombreux scandales ont secoué le 7ème art, à l’instar du réalisateur Christophe Ruggia qui a également su faire parler de lui après les accusations d’agressions sexuelles par Adèle Haenel.

Dans l’optique de la « culture du viol », ces abus sexuels vont alors paraître comme presque excusés, ouvrant la voie à une véritable banalisation des violences sexuelles. 

Le développement des mouvements féministes

Après l’affaire Weinstein, les femmes, au demeurant soumises à la domination patriarcale, ont depuis ce scandale laissé entendre leurs voix pour ne plus passer sous silence les abus que se sont permis bon nombre de producteurs, réalisateurs ou acteurs. La multiplication des protestations féministes à travers les mouvements #metoo, time’s up ou #balancetonporc ont enfin permis la libération de la parole féminine. Les réseaux sociaux jouent alors un rôle essentiel dans la prise de conscience : ils mettent en lumière en quelques heures les abus que l’industrie du cinéma tentait d’étouffer par la mainmise des hommes.

La femme objet au cœur du 7ème art

L’image de la femme à l’écran fait elle aussi débat depuis des décennies. Tout en évitant l’amalgame, l’image dégradante d’une figure féminine sexualisée est fortement véhiculée au cinéma. On ne compte plus les exemples de films qui répandent l’image de la femme objet, sexualisée, stigmatisée et délaissée au second plan. C’est par exemple le cas des multiples James Bond Girls, victimes de la violence machiste de l’espion britannique.

Mais au-delà des grandes productions, certains films cherchent à remettre en valeur la femme forte et indépendante, comme Les Suffragettes (2015) de Sarah Gabron, ou Frida (2002) où Julie Taymor retrace la vie de l’icône de l’affirmation féministe. Les nouveaux films Disney, tels que Rebelle ou encore La Reine des Neiges revalorise également une figure féminine indépendante. Ces films d’un nouveau genre vont encourager les femmes, dès le plus jeune âge, à s’émanciper de la tutelle patriarcale, cassant alors avec les précédentes représentations de la femme chez Disney.

Un féminisme contre-productif ?

Une femme peut-elle réellement être freinée dans sa réussite du fait de son genre ? Ou alors n’est-ce qu’un mythe médiatique ?

L’actualité du cinéma a su nous prouver une réelle volonté de faire évoluer les mentalités et les comportements. Pourtant, dans un questionnaire réalisé sur les réseaux, nous constatons que sur un panel de 82 personnes interrogées, 60 d’entre elles (73,17%), ont répondu que ces mouvements étaient nécessaires mais n’étaient pas suffisamment efficaces. Alors, une amorce de changement d’état d’esprit est en marche, même s’il y a peu d’avancées concrètes. Les protestations féminines peuvent alors être perçues comme contre-productives, prônant la généralisation de l’image de « l’homme prédateur ». La cause féministe est donc desservie par une radicalisation des idées qu’elle défend.

Le nouvel enjeu est alors de dépasser les clivages genrés, en favorisant le travail, la sensibilité et le talent au-delà du genre. La réalisatrice Coline Serreau prône ainsi cette« dédiabolisation de la distinction femmes/hommes ». Selon notre questionnaire, sur 81 personnes interrogées, 48,2% estiment que le genre est déterminant pour la réussite dans ce milieu quand 40,8% considèrent qu’être une femme n’est pas un handicap et qu’il suffit d’être un.e « artiste » doué.e pour percer.

« Ce qui m’intéressait, ce n’était pas de me singulariser comme femme, mais comme novatrice. »      Agnès Varda

Pour aller plus loin, la véritable question est de s’intéresser à l’évolution des mentalités au sein de notre société, en se positionnant avant tout au-delà de la caméra : comment résoudre le sexisme transmis à l’écran quand ceux qui l’animent en sont des acteurs moteurs à part entière ?  Comment vendre une égalité des sexes dans le monde du cinéma lorsque la société elle-même est encore rongée par les discriminations sexistes ?

Cet article a été rédigé par Clara Dauchez, en partenariat avec le journal des étudiants de Sciences Politiques Rennes (Arespublica)

Written By: Le P'tit Rennais

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