Le festival du TNB, une édition actuelle et intime

Du 9 au 27 Novembre s’est tenu le Festival du TNB dans plusieurs salles de Rennes. 25 spectacles de théâtre, mais pas que, on a pu voir du cinéma, de la danse, de la performance… Après une année blanche pour le théâtre, le festival était de retour et on y était !

Il y avait comme un vent de retrouvailles dans l’air quand on se rend au théâtre. Comme une impression de retrouver le théâtre là où on l’avait laissé. Rien a changé. Tout le monde est là, au rendez-vous, les visages impatients du premiers rangs, les gloussements du fond de la salle ; tout le monde était là, masqué, vaccinés.

Ce fut une édition tournée vers l’intime et l’actualité. Parmi tous les spectacles, il y a eu de belles surprises, comme l’hommage tout en ambiguïté de Sylvia Costa à la pianiste Galina Ustvolskaja avec la Femme au marteau, et des moins belles avec le diptyque de Guy Cassiers Antigone et Tiresias, très timide et un peu superficiel.Nous avons fait le choix faire un focus sur le spectacle de Maguy Marin, Y aller voir de plus près, le morceau de bravoure de cette édition.

La chorégraphe Maguy Marin était donc au Triangle où elle a présenté son dernier spectacle Y aller voir de plus près. Ce n’est pas de la danse, ce n’est pas du théâtre non plus, mais plutôt un dévoilement de motifs visuels, sonores, où les mots et les corps sont autant d’éléments qui se mêlent pour (dé-)construire une réflexion autour de l’histoire et de la guerre. Elle poursuit, traque, comme toujours le point de vue des damnés.

La femme au marteau de Silvia Costa Formenti ( photo de Simon Gosselin )

En prenant La Guerre du Péloponèse de Thucydide comme matrice de l’Occident, Maguy Marin fait coexister l’histoire et la guerre. Tout commence comme une leçon d’école, les narrateur.ice.s nous dictent une leçon à apprendre, tableaux et chiffres à l’appui. Et pourtant, quelque chose nous résiste, quelque chose dans l’urgence de la diction, dans la proliférations nous empêche d’y voir clair. Et heureusement, on aurait plutôt tendance à se méfier d’une histoire trop simple. On est invité à ouvrir l’œil à ce qui est montrer, à prêter attention à ce qui est dit, à y aller voir de plus près. A partir de ce fil rouge de l’histoire antique, se déploie une myriade de support, de discours, qui s’enchâssent et s’éparpillent façon puzzle. Comme dans un kaléidoscope où l’histoire moderne serait relue au l’aune de l’histoire antique, chacune éclairant l’autre d’un nouvel angle. Loin de nous donner une leçon d’histoire, Maguy Marin pose des questions et nous engage à nous interroger sur les guerres, les rapports de pouvoir dans l’histoire. Tout en fragmentant les discours, les écrans sur scène se superposent comme autant de strates, autant de couches historiques sous lesquelles d’autres histoires encore émergement. Derrière le bruit de la grande Histoire, les myriades d’histoires oubliées semblent déjà poindre. C’est toute l’histoire occidentale qui est ici passée en revu sous le prisme de la guerre, une relecture à « rebrousse poil1 » qui cherche à donner une voix aux dominés en creux de l’histoire. Comme nous dit Booba «  Les vainqueurs l’écrivent, les vaincus racontent l’histoire.2 »

Maguy Marin

Phuve Gorel

1« À l’historien qui veut revivre une époque, Fustel de Coulanges recommande d’oublier tout ce qui s’est passé ensuite. On ne saurait mieux décrire une méthode que le matérialisme historique a battue en brèche. C’est la méthode de l’empathie. (…) La nature de cette tristesse devient plus évidente lorsqu’on se demande avec qui proprement l’historiographie historiciste entre en empathie. La réponse est inéluctable : avec le vainqueur. Or quiconque domine est toujours héritier de tous les vainqueurs. Entrer en empathie avec le vainqueur bénéficie toujours, par conséquent, à quiconque domine. Pour qui professe le matérialisme historique, c’est assez dire. Tous ceux qui, jusqu’ici, ont remporté la victoire participent à ce cortège triomphal où les maîtres d’aujourd’hui marchent sur les corps des vaincus d’aujourd’hui. À ce cortège triomphal, comme ce fut toujours l’usage, appartient aussi le butin. Ce qu’on définit comme biens culturels. Quiconque professe le matérialisme historique ne les peut envisager que d’un regard plein de distance. Car, tous en bloc, dès qu’on songe à leur origine, comment ne pas frémir d’effroi ? Ils ne sont pas nés du seul effort des grands génies qui les créèrent, mais en même temps de l’anonyme corvée imposée aux contemporains de ces génies. Il n’est aucun document de culture qui ne soit aussi document de barbarie. Et la même barbarie qui les affecte, affecte tout aussi bien le processus de leur transmission de main en main. C’est pourquoi, autant qu’il le peut, le théoricien du matérialisme historique se détourne d’eux. Sa tâche, croit-il, est de brosser l’histoire à rebrousse-poil. » Walter Benjamin, Thèses sur le concept d’histoire.

2Booba, 92i Veyron

Written By: Le P'tit Rennais

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