Rencontre avec Jean-Louis Brossard, programmateur des Trans Musicales

Le rendez-vous est donné dans l’antre du programmateur des Rencontres Trans Musicales : l’association ATM. Au milieu de milliers de vinyles et CDs, les bureaux de Jean-Louis et Mathieu, têtes chercheuses des Trans. Echanges avec l’homme aux commandes depuis les débuts en 1979, à la veille de cette 41ème édition.


Du big band Japonais Mynio Crusaders au saxophoniste Américain Cochemea, en passant par le rap engagé des Espagnols de Tribade, la programmation des Trans traverse beaucoup de pays (48 nationalités différentes) et autant de styles. C’est le fruit de combien de mois de recherche ?

C’est presque douze mois. Nous travaillons avec Mathieu à la programmation, dès la fin des Trans, après quelques jours de repos, nous commençons à écouter entre 400 et 500 groupes. Cela ne s’arrête pas vraiment en fait, on a à peine le temps de souffler que déjà on prépare l’édition suivante.

Vous couvrez des festivals du monde entier ?

Oui, on bouge pas mal. Je suis allé au Cap Vert où j’ai découvert deux groupes, Guiss Guiss Bou Bess, et Continuadores. On est allés aussi au Festival Great Eascape à  Brighton, et en Suisse récemment. Mathieu est parti au Brésil, d’où il ramené le son du rappeur Edgar. En France, on fait le Printemps de Bourges, le festival Vision. La prog se fait aussi en fonction de ce qu’on reçoit. Quand un son nous intéresse, on demande à en écouter plus.

Fonctionnez-vous aux coups de cœur ? Ou avez-vous besoin de plusieurs écoutes, d’y revenir, d’y réfléchir ?


Il y a les deux : il y a le coup de cœur immédiat avec le cd qu’on reçoit, auquel cas on essaye de savoir quelle est la formation sur scène, comment ça se passe, car il y a parfois des groupes qui n’ont jamais fait se scène auparavant. On s’intéresse beaucoup aussi à la scène locale ; cette année par exemple on a filé Nubuk à l’Ubu (le filage est la préparation d’un concert dans sa mise en scène sans le public, NDLR). Un groupe va pouvoir répéter toute une journée, dans les conditions d’un concert. Et parfois, lorsque c’est encore trop jeune, on garde le groupe pour l’année suivante.  

Les groupes vous font confiance ?

Oui, et je crois qu’ils sont à l’écoute de ce qu’on peut raconter, Mathieu ou moi. On le dit vraiment avec le fond du cœur, parce qu’on le sent. On n’est pas non plu des managers, on propose des choses aux groupes, mais c’est à eux de le faire. On donne seulement un conseil.

Nombres d’artistes ont été révélés suite à un passage sur les Trans. A quoi attribuez-vous ce flair ? Diriez-vous que les Trans sont devenues un tremplin pour la scène Française ou alors que c’est votre flair qui a joué?

Oui, c’est juste le flair, on ne s’est jamais considérés comme un tremplin. Il y en a plein sur d’autres festivals ; et tremplin signifie aussi jury qui va dire que celui-ci mérite d’avoir le prix par rapport à l’autre dans une musique différente, et on ne cautionne pas cela.  Chacun a sa chance, des fois des groupes marchent et d’autres moins bien, il y en a qui explosent maintenant et d’autres plus tard. En tout cas, cela leur donne vraiment une visibilité forte. Déjà parce que beaucoup de programmateurs viennent, français et étrangers (ou alors parce qu’ils suivent notre prog sur le site, et programment sur leur festivals). Et aussi parce que cela fait trois ans que l’on invite une radio de Seattle, KEXP, qui réalise des concerts en live sur Internet. Donc les groupes vont aussi bénéficier d’une visibilité mondiale ! (NDLR : Cher lecteur, si tu ne connais pas cette radio, fonce découvrir les excellents concerts qu’ils proposent : https://www.kexp.org/watch/). Je pense notamment au groupe Altin Gün, programmé aux Trans en 2017, dont le live a été vu plus d’un million de fois, et qui est maintenant nominé pour les Grammy Awards.

Les créations de l’Aire Libre sont également une source de visibilité pour les artistes. Fishbach en 2016, Nakhane en 2017 et Aloïse Sauvage l’année dernière cèdent la place cette année à Lous and the Yakuzas, une jeune chanteuse Congolaise installée en Belgique. Comment est née ce projet ?

Tout d’abord, c’est une rencontre avec son agent lors du Printemps de Bourge, qui nous fait découvrir ce son. On l’a trouvé vraiment très intéressant. On n’a pas dit oui tout de suite car on avait d’autres artistes en parallèle. Puis on a invité Lous à Rennes, pour lui faire découvrir le lieu, et les choses ont été actées. On connaît plus de titres, pour l’instant le public connaît seulement Dilemme, mais un album est prévu pour 2020. Le projet est vraiment intéressant et les paroles sont chouettes.

Les Trans envahissent toute la ville, et pas seulement le Parc des Expositions et l’Aire Libre : Concerts gratuits à l’Etage du Liberté, à L’Ubu, Conférences aux Champs Libres et à la Maison des Associations, et le TNB, qui accueille cette année Etienne Daho qui vient fêter ses quarante ans de carrière. Pour vous, une évidence ?

En tout cas une envie d’Etienne, et on est ravis de l’accueillir parce qu’on se connaît bien. En plus, il est aussi très pote avec Arthur Nauziciel, le directeur du TNB, donc c’est bien qu’on le fasse ensemble. Et c’est toujours un plaisir de revoir Etienne.

Un coup de cœur des Trans à ne pas manquer selon vous ?             

C’est très subjectif, et forcément tout me plaît. Il ne faudra pas rater la création d’Acid Arab, Cochemea, Lous and the Yakuza, dont on parlait à l’instant. Il y a aussi Marina Satti, une chanteuse Grecque très étonnante, les rappeurs de Tribade, ou encore Los Bitchos, un groupe de filles qui fait de la musique entre surf et musique colombienne, du rock instrumental bien énervé! Il y aussi SongØ, un groupe Rennais qui pour moi, représente bien l’esprit des Trans cette année.

C’est-à-dire ?

Ce groupe est composé de deux musiciens rennais, (membres de la formation City Kay, venue aux Trans en 2015), le batteur vient du Burkina Faso et la chanteuse d’Afrique du Sud. C’est ce qu’on va retrouver sur pas mal de groupes, par exemple Los Bitchos, composé de deux Uruguayennes, une Australienne, une Anglaise et une Suédoise.

C’est la 41ème édition, vous êtes aux commandes depuis le tout début. Toujours aussi passionné ?

Oui bien sûr ! Il faut !

Merci beaucoup Jean-Louis,  je vous souhaite d’excellentes Trans !

Merci Anne-Sophie, moi aussi je m’en souhaite d’excellentes !! (rires)

Written By: Anne Sophie Gombert

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