Sauvons la planète une culotte à la fois avec Léon et Lucienne !

Et si nous nous interrogions aujourd’hui sur notre mode de vie et de consommation ? Laura Bimboes, fondatrice de la marque de lingerie écoresponsable Léon & Lucienne, nous partage aujourd’hui tous ses secrets. De la création d’une entreprise à la mise en place d’une transition écologique en passant par l’affirmation des femmes dans la société, rien ne lui échappe. A la fin de cette entrevue, vous saurez tout sur ses futurs projets, l’écologie et le travail éthique.


Pour commencer, pourriez-vous me parler de vous ? Quelles sont vos valeurs, vous interrogez-vous depuis toujours sur votre mode de consommation ?

Je suis Laura Bimboes et j’ai fait une formation d’ingénieur en optique avec une spécialisation entrepreneur. J’ai travaillé six ans en Angleterre et cela fait trois ans que je suis revenue en France. A mon retour ici, je m’interrogeais beaucoup sur la direction que je voulais donner à ma carrière et sur mon mode de vie. Je me posais des questions sur l’environnement, la protection de la nature ou encore le zéro déchet. Étant passionnée par la mode et la lingerie, j’en suis venue à me questionner sur ma consommation, l’exploitation des travailleurs et bien d’autres choses. Petit à petit, j’ai commencé à me tourner vers des marques plus écoresponsables. Seulement, il y avait un gros manque au niveau de la lingerie. Tout était très basique et cela ne me convenait pas forcément. Comme le travail que j’ai trouvé en France ne me plaisait pas totalement, j’ai pris ma décision. Mi-2019, je l’ai arrêté et je me suis lancée à 100% dans la création de mon entreprise.

Vous venez d’évoquer votre goût pour la mode et la lingerie. D’où cette passion vous vient-elle ?

 J’ai surtout une passion pour la lingerie. Je suis une personne assez timide. La lingerie est un moyen d’expression très intéressant. Je ne suis pas obligée de l’afficher, je ne le montre que si j’ai envie. Je peux oser des couleurs, des formes ou encore des matières qu’on n’ose pas forcément sur les vêtements. J’aime chercher des choses un peu originales depuis que je suis ado. Porter de la jolie lingerie, c’est quelque chose qui me met de bonne humeur !

Votre entreprise s’appelle Léon & Lucienne. Que représente ce nom pour vous ?

 En fait, Léon et Lucienne, ce sont mes arrière-grands-parents. Je voulais un nom qui ait du sens et qui soit en lien avec les valeurs de ma marque. Mon arrière-grand-mère était couturière, ce qui reste un métier proche de ce que je fais. Elle est née début 1900 donc, à cette époque, le polyester n’existait pas et elle n’utilisait que des matières naturelles. De plus, elle confectionnait tout à la demande. Mon arrière-grand-père, lui, était très proche de la Terre. Il faisait beaucoup de jardinage et n’utilisait pas de pesticides. Ils avaient tous les deux la volonté de ne produire que ce dont on a besoin et de faire les choses biens. Ce sont ces valeurs que je souhaite remettre au goût du jour et qui reviennent petit à petit dans l’actualité.

Est-ce difficile de s’imposer en tant qu’entrepreneure lorsqu’on est une femme ?

Comme j’étais ingénieure, j’avais déjà l’habitude d’être une femme dans un monde majoritairement masculin. En tant qu’entrepreneure, je remarque que nous ne sommes pas très nombreuses non plus. Mais il existe beaucoup de structures et de formations pour nous accompagner. Des formateurs m’ont expliqué que, globalement, les femmes ont plus de doutes, de peurs et qu’elles ont davantage envie d’aller chercher de l’aide. Il est vrai que ce n’est pas toujours facile de trouver vers qui se tourner au départ. J’ai moi-même fait pas mal de formations. Je fais aussi partie de l’association « Femmes de Bretagne », qui organise des rencontres et des ateliers entre les femmes qui entreprennent. C’est vraiment sympa d’avoir des structures comme ça pour l’entreprenariat féminin !

Quel est votre ressenti par rapport au premier confinement et la crise du COVID-19 ?

Le premier confinement a été un moment rempli de questionnements. Cela faisait plus de six mois que je travaillais sur le projet Léon & Lucienne. La crise du COVID-19 y a mis un coût d’arrêt brutal. Tous mes partenaires étaient fermés et, lorsqu’ils ont rouvert, leur priorité était de produire des masques. Mais je me suis aussi rendue compte que les personnes s’intéressent de plus en plus à la mode éco-responsable et se posent beaucoup de questions. C’est le moment de construire le monde de demain et j’ai envie d’en faire partie. C’est pourquoi je n’ai pas perdu espoir et je me suis relancée à fond dans le projet !

Personnellement et professionnellement parlant, quelles démarches écoresponsables effectuez-vous ?

Pour effectuer une transition écologique, j’essaie vraiment de réfléchir dans une démarche écoresponsable. Par exemple, j’ai un fournisseur d’électricité vert, je crée du compost, mon ordinateur a été acheté en reconditionné…

Au niveau de mon entreprise, plusieurs aspects sont à prendre en compte. Dans un premier temps, on a la conception du produit. Je travaille exclusivement avec des fournisseurs européens. Le coton utilisé est certifié GOTS (textile biologique, écologique et socialement responsable) et Fair For Life (commerce équitable). La dentelle de mes culottes est upcyclée : je rachète des fins de stock destinés à être jetés alors qu’ils sont encore neufs. Les élastiques ne sont pas des produits naturels mais je m’assure qu’ils ne contiennent pas de produits toxiques grâce au label Oeko-Tex. Le dessin et le prototypage se font en France. Pour les expéditions de mes culottes, j’utilise des enveloppes en carton issues de forêts gérées durablement ou des colis réutilisables grâce à Hipli. Je propose aussi la remise en mains propres sur Rennes. Il y a beaucoup de choses auxquelles penser.

Vous êtes également engagée contre la retouche des mannequins de mode. Quel message souhaitez-vous transmettre à travers cela ?

 Je n’arrive pas à me reconnaître dans les photos de mode, même si tout le monde dit que je fais « une taille standard », voire que je suis plutôt mince. Sauf que mon corps ne se limite pas à ma taille. J’ai aussi des grains de beauté, des cicatrices, toutes ces choses qui ne sont pas forcément représentées sur les photos. On a une image faussée du corps de la femme, même celui aux « tailles standards ». Je souhaite montrer la réalité des corps. De plus, cela me paraissait irrespectueux de corriger mes modèles. C’était comme si je leur faisais passer le message qu’elles étaient jolies, mais pas assez. Avec des photos sans artifice, mes clientes se reconnaîtront plus facilement. Surtout que mes mannequins sont des personnes de la communauté Léon & Lucienne, qui me suivent sur les réseaux sociaux !

Vous proposez trois modèles : une culotte, un shorty et un tanga. Comment les avez-vous inventés et choisis ?

Je travaille beaucoup sur le principe de cocréation. En tant que marque écoresponsable, je souhaite produire peu, le but est donc de voir ce qui plaît pour avoir une solide base de création. J’ai un panel de femmes autour de moi à qui je peux soumettre des propositions. Je vois ce qu’elles s’imaginent et ce qu’elles trouvent sympa. Après, je peux affiner sur les réseaux sociaux avec des sondages et des questionnaires. C’est vraiment important pour moi de faire ça car c’est ma marque mais elle est pensée pour tout le monde. C’est aussi vraiment chouette de pouvoir intégrer les clients dans tout ce processus. Enfin, comme je travaille avec de la dentelle upcyclée, je ne peux pas totalement faire ce que je veux. Normalement, on dessine les modèles, on cherche les matières puis on les crée. Là, je choisis d’abord les matières puis je construis le modèle autour de ces morceaux de dentelle. Ça rajoute des contraintes, parfois ce que j’ai en tête n’est pas possible. Mais cela me sort de ma zone de confort et me force à réfléchir différemment !

Vos modèles portent des prénoms particuliers : Jeanne, Marie et Simone. A travers cela, souhaitez-vous mettre en avant les femmes au cœur de la société ?

Oui, tout à fait. J’avais envie de mettre en avant des femmes qui ont marqué l’Histoire. Dans les rues, les places ou encore les écoles, ce ne sont que des noms d’hommes. On ne parle jamais d’elles alors que ce sont aussi des personnes remarquables. Au fur et à mesure des collections, je souhaite faire connaître des femmes qui sont moins connues alors qu’elles ont aussi fait de grandes choses. Mes trois premiers modèles représentent Marie Curie, Jeanne d’Arc et Simone Veil. C’était important pour moi de mettre Marie Curie car elle a une formation scientifique comme moi. Jeanne d’Arc, quant à elle, est lorraine comme moi et c’est aussi une sacrée force. Enfin, sans Simone Veil, je pense que notre vie serait bien différente aujourd’hui. J’ai plein d’idées pour la suite et plein d’autres femmes à faire découvrir.

En parlant d’idées pour la suite, quels sont les futurs projets pour Léon & Lucienne ?

Je pensais me concentrer sur la lingerie pour femmes mais le but de ma marque est de répondre aux besoins écoresponsables des personnes. Or, j’ai de plus en plus de demandes pour ouvrir une section « hommes ». D’ailleurs, quand j’ai lancé l’appel pour ma recherche de mannequins, des hommes m’avaient répondu alors que je ne vends encore que des culottes ! (Rire) Je vais réfléchir à cette nouvelle section et créer un questionnaire pour voir ce qui pourrait plaire. Du côté des femmes, j’aimerais proposer des soutiens-gorge. Mais c’est quelque chose qui est long à développer comme ça nécessite de nombreuses pièces et beaucoup de travail. A plus long terme, je souhaiterais aussi proposer des pyjamas et des nuisettes.

En quelques mots, comment cette aventure vous a fait évoluer en tant que personne ?

 Étonnement, je suis beaucoup moins stressée qu’avant. J’ai beaucoup plus d’enjeux financiers mais je fais quelque chose qui me plaît. Contrairement à mon ancien travail, celui-ci correspond totalement à mes valeurs. Ce n’est vraiment que de l’épanouissement personnel. En plus, j’apprends beaucoup de choses, comme l’administratif, les finances ou la gestion… Je suis une personne très curieuse qui me lasse assez vite. Là au moins, je ne m’ennuie pas ! Si un moment je dois tout arrêter, je n’aurai aucun regret. Je fais tout ce que je peux, je suis à fond et je suis fière de tout le chemin que j’ai parcouru. C’est vraiment un bien-être global !

Un dernier mot pour la fin ?

On parle beaucoup de consommer mieux. Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la transition écologique, j’ai fait face à de bien trop nombreuses informations. On a tendance à culpabiliser en se disant qu’on ne fait pas ci ou encore ça. J’ai envie d’inviter les personnes à déculpabiliser ! Lorsqu’on commence la transition écologique, on ne peut pas être partout et tout bien faire du premier coup. Il ne faut pas se priver, bien au contraire, sinon ça va créer de la frustration. Il faut continuer à se faire plaisir mais différemment. Par exemple, si j’ai envie de faire du shopping mais que je n’ai besoin de rien, alors je vais me rabattre sur une bonne pâtisserie. Il faut vraiment y aller petit à petit. C’est pour ça aussi que le slogan de Léon & Lucienne est « Sauvez la planète, une culotte à la fois » ! 🙂

© photo : Sébastien Guerrault & Laura Bimboes

Written By: Anastasia Grunenwald

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