Mythos : Tryo, une interview aussi chaleureuse que leur concert

Tryo – de retour avec un sixième album-  a su faire bouger la foule du Mythos durant deux bonnes heures. Jouant leurs nouvelles chansons (Souffler, Rassurer Finkielkraut, Watson) comme de plus anciennes (telles Sortez-les, La Main Verte, Serre-moi…) le groupe n’a pas perdu en théâtralité, blaguant souvent entre deux morceaux, et jouant avec le public.


Le P’tit Rennais a pu aller à la rencontre de deux de leurs membres avant leur concert au Cabaret Botanique. Manu Eveno, le guitariste au chapeau du groupe, et Daniel Bravo, percussionniste et batteur, ont pris le temps de répondre à nos questions avec beaucoup de sympathie.

© Nanardiso Photographie / Collectif 18-55 au festival Mythos

C’est votre sixième album que vous avez sorti en 2016, qu’est-ce que qui vous a poussé à réaliser un nouvel opus après 22 ans d’existence de Tryo ?

« Manu : Et bien des chansons, le contexte aussi. Ça faisait un bout de temps qu’on avait pas joué, quasiment deux ans qu’on avait pas tourné. On savait qu’on retournerait pas sur scène sans nouvelles chansons. Et il y avait pas mal de chansons dans les besaces de Christophe et de Guiz, notamment inspirées du contexte des attentats : on a perdu des amis à Charlie, on a perdu des amis au Bataclan. Et puis il y a aussi le contexte politique, le quinquennat du gouvernement actuel qui nous a beaucoup déçu. On revendique nos valeurs de gauche depuis le début sans avoir jamais été derrière un parti, en gardant quand même ce recul. Mais voilà, la chanson Souffler dit que c’est pas parce que ces valeurs de gauche sont si mal représentées ou si peu qu’elles n’existent plus pour autant. Les mouvements comme « Nuit Debout », ou les films comme « Merci Patron ! », « Demain » le rappellent : aujourd’hui si on se bouge le cul, on peut vraiment remettre en floraison toutes ces valeurs là. Ça marche plus de taper sur les politiciens ou sur les gros industriels, tout le monde sait bien qu’on est en train de tout bousiller, et que si il y a un changement, il doit venir de nous. Des films comme « Demain » prouvent bien qu’en se bougeant le cul, on peut mieux vivre la démocratie, l’éducation, on peut mieux produire, mieux consommer, et mieux vivre ensemble. Aujourd’hui ce qui marche, c’est de montrer l’exemple. C’est ce qu’on fait dans cet album en parlant de gens comme Paul Watson et Sea Sheperd (association de défense des écosystèmes marins), qui sont des gens qui se mobilisent pour qu’il y ait un peu plus de justice dans ce monde injustifié. »

On peut donc surtout parler d’une urgence politique ?

« Manu : Ouais une urgence politique dans le sens citoyen, il faut bien le rappeler. Parce que si on devait parler de politique, ce serait bien hasardeux de notre part de le faire sous l’angle politicien, c’est pas notre métier. On est pas des spécialistes de la politique, par contre on est des citoyens, et ça rappelle bien le sens du mot « politique » qui veut dire « vie de la cité », on est donc tous politique d’une manière ou d’une autre. Voilà, j’ai fait une longue introduction ! (rires) »

© Nanardiso Photographie / Collectif 18-55 au festival Mythos

Et en terme de musique maintenant, vous avez des directions artistiques différentes selon les albums, ou comment est-ce que vous fonctionnez ?

« Daniel : Sur les dix dernières années, on a fait beaucoup de collaborations, on a invité beaucoup de musiciens, que ce soit sur scène ou en studio, on est parti dans pleins d’orientations musicales différentes. Et sur cet album on avait le souhait, après c’est pas un dogme tu vois, mais y’avait l’envie de retrouver la couleur originelle du groupe. La couleur des voix, des guitares, des percussions, quelque chose d’assez épuré. Le souhait était de retrouver ce côté acoustique, même si c’était pas une fin en soi. On avait envie de ça sur cet album-là, peut-être aussi pour mettre le propos en avant, mais ça veut pas dire qu’après on repartira pas sur des choses différentes.

Après sur tous les autres albums, on s’est toujours fait porté par la chanson, y’a des chansons qui t’inspirent des sonorités, et on s’y est toujours engouffré avec grand plaisir. »

Comment est-ce que vous écrivez et composez d’ailleurs, parce qu’il me semble que les auteurs varient selon les chansons ?

« – Manu : Généralement, une chanson sort de la besace de Christophe ou de Guizmo. Et là, de façon un peu plus significative, ils ont co-écrit, ils ont mêlé leurs textes. Et puis y’a quelques petites choses qui sont aussi rajoutées par des amis. Mais principalement beaucoup de co-écriture au niveau textuel, mais aussi des textes de Christophe que Guizmo a mis en musique. Il a trouvé la mélodie puis les accords. Et puis ensuite on arrange tous ensemble. Moi j’ai très souvent un rôle d’arrangeur, en tout cas sur les harmonies vocales, sur les virgules guitaristiques, ou sur des textures sonores par exemple. Et puis Daniel évidemment, s’occupe beaucoup des percussions et de l’univers percussif.

– Daniel : Voilà ! Et des cocktails ! (rires)

– Manu : (restant toujours sérieux en parlant des percussions et non des cocktails) Et il le fait de façon très impliquée, avec un travail très personnel, et une vision qui est la sienne. »

Ça vous arrive d’amener d’autres ou de nouveaux instruments aussi ?

« Manu : Quand c’est possible ouais, quand ça le justifie ! Moi je l’ai beaucoup fait. Comme disait Daniel lors de ces dix dernières années, j’ai co-écrit des arrangements de cordes avec Vincent Ségal, il y a Ibrahim Maalouf qui s’est rajouté sur ce fameux morceau reggae-arabe qui s’appelle « Printemps arabe », ou alors il y a du violon, de la guitare douze cordes, du oud, on a vraiment l’impression d’un orchestre arabe – enfin c’est une évocation de cette musicalité arabe mais sur un reggae. Il y a pleins de choses, ça peut être tout à coup une sorte de fanfare de rue, de marching band sur Marine est là, où tu as de la clarinette, de la flûte, du sax, de la trompette.. Tout dépend du rythme et de là où nous emmène le texte : on peut aller en Afrique, on peut aller dans le jazz, on peut aller en Inde… »

Enfin, qu’est-ce que représente Rennes et au sens plus large la Bretagne pour vous ?

« Daniel et Manu : Alors tout d’abord, la Bretagne on l’apprécie parce qu’à chaque fois qu’on revient jouer ici, c’est les retrouvailles avec les potes. Et puis on peut dire que la Bretagne nous a plus écumé qu’on a écumé la Bretagne. On a beaucoup joué ici depuis nos débuts à la fin des années 1990. Et pour parler de Rennes, c’est le souvenir de notre première grosse scène aux Transmusicales de 1998, on avait alors joué au Liberté ! »

Merci à vous en tout cas, et bonne chance pour votre concert !

« Daniel et Manu : Merci à toi ! »

© Jean-Adrien Morandeau au festival Mythos

Written By: Le P'tit Rennais

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