Yan Duyvendak

Mythos : Rencontre avec Yan Duyvendak, co-auteur de la performance Still in Paradise

Suite à leur rencontre, le Suisse Yan Duyvendak et l’Egptien Omar Ghayatt ont décidé de travailler sur un projet sur l’autre, la rencontre, la confrontation entre l’Orient et l’Occident, et ainsi proposer une performance originale, qui, à travers plusieurs scènes, fragments, invite le spectateur à s’interroger sur l’altérité et le vivre-ensemble.



Cette pièce coécrite qui joue sur l’opposition des représentations que nous nous faisons de l’Orient et de l’Occident. Racontez le principe du spectacle.

Omar Ghayatt et moi sommes les co-auteurs de ce projet. On invente à chaque fois des fragments (petites scènes), qui travaillent sur un problème qu’on rencontre Omar et moi dans notre rencontre, nous ou par rapport à l’histoire en général. Le projet propose dès le début les règles du jeu et le public vote pour les fragments qu’ils ont envie de voir, soit cinq sur douze. Le spectacle est donc à chaque fois différent et a l’avantage d’évoluer constamment.

Ce format est particulier.

On s’est dit qu’il fallait réussir à thématiser dans notre projet les modes de fonctionnement que nous avons dans notre société. Donc, on fait une présentation de fragment pour que les gens votent et après on utilise la dictature, pour en enlever un et en remettre un autre à la place, pour des raisons dramaturgiques, qui sont utilisées pour dire « vous êtes en démocratie, mais moi Omar, je ne le suis pas ». A l’époque, il était sous la dictature de Mubarak, il ne vient pas du même système que nous.


Ces fragments sont illustrés par différents tissus qui sont au sol, quel est le but ?

Il y a des tissus égyptiens et des tissus d’Ikéa, là encore pour faire la rencontre Proche-Orient/Occident. C’est un parti pris de thématiser la spécificité et de sortir du cliché : Omar n’est pas arabe, il est égyptien. Aussi, les tissus égyptiens ne sont pas les mêmes que les marocains, idem pour la nourriture. Ces tissus sont utilisés pour illustrer chaque fragment et laisser un trace mnémonique de ce qu’on vient de vivre. On dessine d’abord un espace scénographique, où les tissus ont des fonctions, puis ils s’empilent et commencent à raconter la petite histoire de notre pièce . Au fond, on commence dans un espace vide et froid et on finit dans un espace complètement plein de bordel, mais qui est agréable, quelque chose de cosy, de plein s’y est installé.

Que veux-tu que le public ressente?

L’art est, en principe, un lieu qui crée un espace de réflexion, et qui travaille à partir d’une augmentation de la tension. C’est ce qu’on essaye de faire. La nature des expériences que vivent les spectateurs nous échappent et c’est tant mieux; sinon on ferait de la pédagogie, on ne ferait pas de l’art. On crée des situations où les gens peuvent vivre des choses, notamment, à un moment les hommes sortent et font quelque chose de spécifique avec Omar et les femmes restent et font l’expérience de la disparition. On met à disposition des burqas intégrales pour vivre cette expérience.


De manière générale, comment réagissent les femmes à ce fragment?

Il y a de tout. Certaines expérimentent, d’autres non. Beaucoup de femmes ne me le disent pas, donc je n’en sais rien. Dans une ancienne version, c’est moi qui la portait, et du coup j’étais à l’abri mais c’est aussi angoissant parce que tu étouffes. On s’est dit qu’on voulait donner l’occasion aux spectateurs la possibilité de vivre ça.

Est-ce que ton travail est la recherche d’une vérité, qui serait la meilleur arme pour lutter contre les clichés? Partager de fragments d’histoires vécues pour amener le public à s’interroger?

Ce qu’on essaye de faire, c’est de dire: On ne peut opposer au bloc de la généralisation que des expériences singulières, les nôtres, et à partir du partage de nos expériences, d’autres expériences pour les spectateurs. C’est donc plutôt un partage de vécu et une possibilité de donner à vivre, plutôt que de parler de vérité. J’aurais de la peine à parler de vérité, puisque notre vérité à Omar et moi n’est pas une vérité absolue. On ne dit pas que notre vérité vaut pour tous, mais on dit que notre vérité à nous, c’est la nôtre, et vous pouvez ne pas être d’accord avec, vous pouvez vivre d’autres vérités, d’autres expériences; mais de créer des frottements est ce qui est intéressant, car nous sommes du coup dans le spécifique. On est en dehors d’une pensée généralisante.

Merci Yan pour cette interview.


Written By: Anne Sophie Gombert

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